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Jérémy Maxwell WINTREBERT , né en 1980 - France
Vase Light Voïd - 2014 -
Verre soufflé.
H. 41 cm
Don Galerie Carole Decombe, 2015.

LES COULEURS DU VERRE

18/6/2016-30/10/2016
Un choix dans les collections du musée des Arts décoratifs
1900 - 2016

Posted 30 June 2016

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Préface
Lieu de rencontres et d’échanges, le Domaine de Sédières s’anime chaque année autour d’événements culturels forts et rassembleurs.
Les expositions organisées depuis de nombreuses années par le Conseil départemental de la Corrèze s’inscrivent dans cette volonté d’affirmer Sédières comme un phare de la vie culturelle de notre territoire.
Après des collaborations avec le musée du Quai Branly ou le musée du Louvre, c’est une nouvelle fois et avec un grand plaisir que nous présentons une exposition en partenariat avec le musée des Arts décoratifs de Paris.
Le Conseil départemental de la Corrèze est heureux de contribuer à la mise en valeur de l’art du verre à travers une sélection de plus de 80 pièces du musée des Arts décoratifs dans le cadre de l’exposition « Les couleurs du verre - Un choix dans les collections du musée des Arts décoratifs 1900-2016 ». Ces noms de créateurs comme Daum, Lalique ou Décorchemont ne laisseront pas insensibles nos visiteurs que je souhaite nombreux jusqu’au 30 octobre 2016.
Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à Monsieur Olivier
Gabet, directeur du musée des Arts décoratifs, qui par son généreux concours nous permet de faire de cette exposition un temps fort de notre saison culturelle au Domaine de Sédières.
Je remercie également Vincent Rigau, commissaire de l’exposition, et tous les services du conseil départemental qui se sont mobilisés à ses côtés pour l’organisation de cette exposition.
Mes remerciements s’adressent enfin à Madame Bernadette Chirac qui, par son engagement indéfectible depuis des années en faveur de la Corrèze et de Sédières, favorise l’accès aux plus grandes collections nationales pour le plus grand plaisir des Corréziens et des touristes de passage dans notre département.
Pascal COSTE, Président du Conseil départemental de la Corrèze
 

Un XXe siècle en majesté, le verre au musée des Arts décoratifs
 
Aujourd’hui, la collection de verres du musée des Arts décoratifs de Paris compte parmi les plus remarquables au monde – en 2016, c’est un florilège de ses merveilles du XXe siècle qui est offert à la contemplation des visiteurs du château de Sédières, qu’ils viennent de Corrèze ou qu’ils y flânent au gré de leurs excursions touristiques.

Art universel, le verre ne cesse d’émouvoir et d’émerveiller, de ces œuvres d’art qui parviennent jusqu’à nous comme autant de miracles. Admirables, elles le sont à tant d’égards : leur inventivité technique, leur virtuosité d’exécution, les savoir-faire mis en oeuvre, la beauté d’une ligne, le choix des couleurs, et vaincre le temps en nous arrivant parfaites et intactes, défiant les fragilités de l’art.
Cette victoire de la fragilité d’un matériau sur les aléas de la vie des objets explique certainement la passion des artisans et artistes verriers à continuer depuis des siècles cette histoire d’un art décoratif majeur, comme elle légitime la passion de maints collectionneurs. Beaucoup de ces fonds patiemment constitués sont de nos jours conservés au musée des Arts décoratifs.

Auguste HEILIGENSTEIN  (1891-1976) - France
Vase - 1933 -
Verre soufflé, anses rapportées à chaud,
gravées à l’acide et dorées. Emaux translucides et or.
H. 61 cm
Achat de l’État à Mme Heiligenstein 1982,
attribué au musée des Arts décoratifs, 2008.

 
Michael GLANCY , né en 1950 - Etats-Unis
Cusco - 2009 -
Pâte de verre moulée, verre industriel plat, gravé au jet de
sable, dépôt d’argent et de cuivre par galvanoplastie.
H. 30,5 cm
Achat grâce à Jane Schulak et aux Amis des Arts décoratifs, 2013.

Symbole d’une France créative et industrieuse, le musée des Arts décoratifs est fondé dans la seconde moitié du XIXe siècle par un groupe d’artistes et de ce que nous appelons dorénavant des designers, de manufacturiers, d’industriels et d’amateurs d’art, pour défendre et montrer les arts décoratifs français, des plus anciens aux plus contemporains, mais aussi transmettre la connaissance et former le goût et l’oeil des créateurs, les inspirer et les soutenir dans leurs recherches techniques et artistiques – une mission que nous poursuivons encore aujourd’hui.
Dès sa fondation, le musée fait une large place au verre, considéré comme une expression artistique majeure et un terrain fabuleux de prospections technologiques. Très vite, la générosité de grands collectionneurs et d’amateurs éclairés, mais aussi la contribution militante des plus grands verriers, enrichissent le premier noyau, que vient aussi compléter depuis des décennies une politique d’acquisitions dynamique et pertinente.

Parmi ces trésors de sable et de feu, il a fallu faire un choix drastique, et le point de vue adopté est celui du verre du XXe siècle, où tant de prouesses et d’expériences ont été accomplies. Il est impossible de citer tous les donateurs et les acteurs de cette belle aventure collective – chers visiteurs, lisez leurs noms sur les cartels avec attention et gratitude… – mais comment ne pas évoquer ici les donations et acquisitions plus récentes menées à bien grâce à Barlach Heuer, la maison Baccarat, Alexandra de Vazeilles, Carole Decombe, Clara Scremini, grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill, ou à celui de Moët-Hennessy et des Amis des Arts décoratifs, et très souvent à la bienveillance des artistes euxmêmes.

Toute exposition est un moment privilégié, celui de dévoiler un certain nombre d’oeuvres, iconiques ou inédites, et de les partager avec les passionnés ou de nouveaux publics. Conserver, partager, transmettre, ce sont les missions essentielles d’un musée, et elles sont au coeur de cette exposition au Domaine de Sédières. Avec Jean-Luc Olivié, conservateur en chef du département du Verre au musée des Arts décoratifs, elles ne pouvaient être en de meilleures mains, celles d’un connaisseur éminent. Que le conseil général de Corrèze, son président Pascal Coste, soient ici remerciés de leur accueil chaleureux, ainsi que toutes leurs équipes. Nos pensées les plus amicales et respectueuses s’adressent, last but not least, à Madame Bernadette Chirac à qui revient, une fois de plus, l’initiative d’une ambitieuse exposition en ces murs.
Olivier GABET Directeur du musée des Arts décoratifs

Château De Sédières

Les couleurs du verre
Consacrée à la verrerie artistique, l’exposition rassemble des oeuvres créées entre 1900 et 2016, choisies au sein de la riche collection du musée des Arts décoratifs de Paris, pour faire découvrir des aspects modernes et contemporains de ce matériau.

Ces oeuvres nous montrent que le verre, souvent identifié par sa transparence, est aussi exceptionnel par sa capacité à prendre toutes les formes, tous les aspects et toutes les couleurs.
Apparu au Moyen-Orient et fabriqué par l’homme depuis l’Antiquité, le verre est composé de Silice (SiO2), généralement introduite sous forme de sable très pur, et d’autres éléments minéraux, comme la soude, la chaux, des oxydes métalliques qui, mélangés et portés à haute température, s’assemblent d’une façon originale.

Les quantités et les proportions des matières premières définissent la température exacte de fusion et sont variables suivant les époques, les régions de production et les qualités particulières que l’on cherche à atteindre : couleur, éclat, solidité, résistance chimique, etc. Le point commun entre tous les types de verre est un état de la matière remarquable, intermédiaire entre solide et liquide. Les physiciens parlent de « matière amorphe » ou d’état « vitreux » de la matière. Les molécules d’un verre, lorsqu’elles passent, en refroidissant, de l’état liquide à l’état solide, ne s’organisent pas de façon aussi stricte et régulière que celles d’un solide « normal ».

Depuis l’Antiquité et surtout depuis l’invention de la technique unique du soufflage du verre avec une canne creuse métallique, à l’aube de l’ère chrétienne, le verre mène une double carrière de matière utilitaire, fonctionnelle, industrielle et technologique d’une part, et de matière précieuse, décorative et artistique d’autre part.

Toujours à la pointe de notre actualité scientifique et technologique, le verre est aussi omniprésent dans notre vie quotidienne mais ses qualités uniques fascinent aussi, et peut-être plus que jamais, des créateurs qui jouent de toutes ses métamorphoses et le transforment dans des ateliers du monde entier. Ils l’intègrent dans des démarches personnelles, en relation avec tous les mouvements et tous les questionnements contemporains de l’art, de l’artisanat et du design.

Souvent ils s’inspirent de ses mythologies, de son histoire, de ses qualités plastiques originales et toujours de son exceptionnelle capacité à jouer avec les couleurs et la lumière.

Manufacture DAUM  - France
Vase - vers 1930 -
Verre soufflé et gravé à l’acide.
H. 24 cm
Achat de l’État, attribué au musée des Arts décoratifs, 2008.

Charles SCHNEIDER  (1881-1953) - France
Vase de la série Menuet, - vers 1925 / 1928 -
Verre soufflé, modelé à chaud, décor de poudres et
fragments intercalaires.
H. 39,5 cm
Don Barlach et Laurence Heuer, 1995.

André THURET  (1898-1965) - France
Vase - vers 1950 -
Verre soufflé, décor intercalaire, modelé à chaud.
H. 23 cm
Don Mme André Thuret, 1981.

L’exposition s’ouvre sur un chefd’œuvre d’Emile Gallé créé après 1900.
Pour ce type de pièces d’exception, sa position artistique est comparable à celle d’un musicien : il compose et dirige une symphonie exécutée par les interprètes talentueux que sont les chimistes, les dessinateurs, les souffleurs et les graveurs de verre qui travaillent avec lui. Emile Gallé n’est pas un artiste ni un artisan solitaire, il est chef d’entreprise, formé dans une famille de commerçants à la vaste culture humaniste, et il crée à Nancy en 1894 une nouvelle manufacture. Dans cette manufacture sont fabriqués des services de table, des pièces de décor, des luminaires, mais aussi, ces chefsd’œuvre qui le placent au rang des plus grands artistes de sa génération et des plus grands verriers de tous les temps. Ces chefs-d’oeuvre de la fin de sa vie exploitent des matières et des couleurs aussi riches et subtiles que celle d’un peintre : c’est à ce titre ainsi que par leur statut d’oeuvres d’art symbolistes qu’elles restent une référence majeure, un sujet d’étude et une source d’inspiration pour de nombreux créateurs contemporains.

René LALIQUE  (1860-1945) - France
Vase Frise aigles - 1911 -
Verre noir opaque, soufflé-moulé, poli,
décor partiellement dépoli.
H. 30 cm
Achat à l’artiste, 1913.

Au cours des années 1910, René Lalique, Maurice Marinot, François Décorchemont et les membres de la famille Sala débutent leurs carrières de verriers et chacun invente une nouvelle voie de la verrerie moderne. Ils forment le noyau dur de la pléiade de créateurs qui conçoivent les formes de la verrerie de l’époque Art déco et brillent lors de l’Exposition internationale qui se tient à Paris en 1925. A leurs côtés, les manufactures de Daum et Schneider adaptent l’esprit et les compétences de l’École de Nancy au goût moderne tandis que la vénérable manufacture de Baccarat confie à Georges Chevalier la mission de lui donner son visage du XXe siècle.

Les conséquences de la crise économique de 1929 sont funestes pour le milieu, alors si riche en France, des verriers indépendants qui perdent à la fois leur marché international et les soutiens fréquents de manufactures et d’industriels.

François Décorchemont réussit à continuer son activité en adaptant la technique de pâte de verre qu’il a mise au point pour des objets de dimensions réduites au domaine, alors porteur, du vitrail civil et religieux, mais de nombreux ateliers ferment définitivement. Un créateur aussi important que Maurice Marinot ne retrouve pas, après la fermeture de la verrerie de Bar-sur-Seine qui l’accueillait et le soutenait depuis ses débuts, un autre lieu où travailler et sa création verrière est stoppée après 1934. La même année, la collection extraordinaire de ses verreries, rassemblée par le ministre Louis Barthou et son épouse, entre par legs au musée des Arts décoratifs en marquant la fin d’une époque faste d’enrichissements réguliers débutée en 1878. Durant les années 1950 et 1960, le milieu des verriers indépendants ne se reconstitue pas dans notre pays et les manufactures françaises se confrontent à des mutations importantes et sont moins présentes dans l’actualité internationale de ce que l’on commence à appeler le design. Cette époque, par ailleurs moins bien représentée au niveau international dans les collections du musée des Arts décoratifs, est évoquée de façon ponctuelle à Sédières et nous avons choisi de favoriser une découverte plus large et diversifiée de la création depuis les années 1980.

Ces années voient émerger une nouvelle génération de verriers français, majoritairement autodidactes, qui s’intègre dans les réseaux internationaux, dominés par les pays où des enseignements du verre sont entrés dans les écoles d’art et de design.
C’est aussi à partir des années 1980, avec la création au musée des Arts décoratifs d’un département du verre et l’accueil de l’exposition internationale New Glass du Corning Museum of Glass (USA), que le musée reprend contact avec l’actualité du verre, met en place une politique volontaire pour mettre à jour et compléter sa collection et développe un programme d’expositions nationales et internationales, à Paris, en région et à l’étranger.

La section contemporaine de l’exposition rend compte de ces enrichissements récents et certaines œuvres sont exposées en public pour la première fois à Sedières. Plus d’une trentaine d’artistes, dont une proportion importante de femmes, y sont représentés. Ces pièces sont majoritairement uniques même si les créateurs en déclinent des variantes ; certains objets sont fabriqués artisanalement en petites séries, et la plupart nous montrent que les frontières autrefois très marquées entre art, artisanat et design sont aujourd’hui beaucoup plus floues et perméables.

Les territoires ancestraux de l’art du verre européens comme la Bohême, Venise, les Pays-Bas, les pays scandinaves et de la France montrent une belle vitalité qui se nourrit de tous les échanges et de tous les métissages, souvent avec les nouveaux pôles importants que sont devenus, depuis les années 1970, les Etats-Unis et, plus récemment, le Japon, l’Australie et la Chine.

Les limites de cette brève introduction ne permettent pas de décrire plus en détails les oeuvres ni d’entrer de façon plus approfondie dans les démarches des artistes mais nous espérons que les images de ce catalogue et l’écrin du château de Sédières donnera au public le plaisir de découvrir de nombreuses facettes actuelles de cet art qui métamorphose le sable en couleurs, formes et lumières.
Jean-Luc Olivié, Conservateur en chef, département verre, musée des Arts décoratifs
 

Émile GALLÉ  (1846-1904) - France
Vase Fleurs d’eau  - vers 1900 -
Verre soufflé, doublé, décors intercalaires, gravé à la roue,
socle en bronze patiné.
H. 44 cm
Don de Paule Chardin au nom de sa mère, madame veuve Chardin, 1968

Nous proposons au public internaute de découvrir une beaucoup plus large sélection de cette collection, la plus importante des musées français, sur le site : http://www.lesartsdecoratifs.fr/ à la section bases de données de l’onglet « ressources et recherches ».

De l’Art nouveau à l’Art déco, une entrée dans la modernité
Le pôle verrier le plus important de l’Art nouveau français s’est constitué autour de la personnalité exceptionnelle d’Emile Gallé (1846-1904) et du regroupement d’industries d’art qu’il favorise dans sa ville en créant L’École de Nancy.

Les chefs-d’oeuvre de Gallé magnifient les thèmes naturalistes, plantes, fleurs, animaux et les couleurs très riches en jouant avec les subtilités de la translucidité et de l’opacité plus souvent qu’avec la vraie transparence.
Toutes les techniques du travail à chaud et du travail à froid y sont portées à un degré de complexité très grand. Des vases précieux sont souvent associés à des montures ou bases en bronze comme pour ce vase spectaculaire dont les couleurs évoquent un monde aquatique que survolent des libellules, insectes fétiches du répertoire de Gallé.

Dans le sillage de Gallé et également à Nancy, la verrerie des frères Daum débute une production décorative en 1891 et triomphe déjà aux côtés de Gallé lors de l’Exposition universelle de 1900.

René Lalique (1860-1945), le bijoutier le plus fameux de l’époque Art nouveau, engage une seconde carrière à partir de 1909 et devient un des principaux créateurs de verrerie de l’entre-deux-guerres. Très vite il remet au goût du jour la transparence et la monochromie et utilise de façon nouvelle des techniques de verre moulé permettant des fabrications en série.
La manufacture de verre qu’il crée en Alsace après la Grande Guerre existe toujours à Wingen-sur-Moder et les surfaces « satinées » qu’il a mises au point y sont toujours pratiquées. À ses débuts, Lalique conserve le répertoire symboliste qui peuplait ses bijoux, animaux et figures mythologiques, mais le vase aigles montre, dès 1911, les qualités les plus abouties du style épuré de l’ Art déco soulignées par la modernité du verre noir opaque.

François Décorchemont (1880-1971) est un des artistes français qui adopte et fait évoluer la technique de moulage dite « pâte de verre » mise au point par le sculpteur Henry Cros (1840-1907) en 1883. Débutant dans la mouvance de l’Art nouveau animalier et floral, il évolue dès les années 1910 vers des ornements stylisés et des formes simplifiées. Ses vases et ses « pots » aux parois épaisses et translucides ont des couleurs riches et profondes qui semblent parfois couler dans la masse du verre.
La famille Sala, originaire de Catalogne, installe au coeur de Paris au début du XXe siècle le premier atelier de soufflage miniaturisé et indépendant des manufactures traditionnelles. Bienvenu Sala puis ses deux fils Joachim et Jean Sala y déclinent un verre « malfin » , criblé de bulles de gaz, qui provoque une translucidité particulière des couleurs.

Baccarat, une des plus anciennes manufactures françaises, intègre un jeune designer, Georges Chevalier (1894-1987), qui donne forme à presque toutes les créations modernes de la manufacture pendant cinquante ans.

Bienvenu SALA  (1869-1939) - Espagne / France
Vase bouteille - vers 1920 -
Cristal malfin soufflé et modelé à chaud.
H. 28,5 cm
Achat Galerie Druet, 1920.

Maurice MARINOT  (1882-1960) - France
Trois flacons - 1925 et 1929 -
Verre soufflé, modelé à chaud, bulles et décor intercalaires,
le petit gravé à l’acide.
H. max 19,5 cm
Legs de Mr et Mme Louis Barthou, 1934.

L’entre-deux-guerres, manufactures et créateurs indépendants
Cette époque, marquée par l’Exposition internationale qui se tient à Paris en 1925, voit apparaitre, à côté des créations des manufactures, des démarches de personnalités singulières qui abordent le verre de manière individuelle et libre. Ces nouveaux venus libèrent aussi la pratique du verre de l’ancestrale tradition des secrets à laquelle elle était liée. Maurice Marinot (1882-1960) est une des figures majeures de cette génération. Peintre de formation, il découvre le travail du verre à chaud par hasard, en 1911, et décide non seulement de s’y consacrer mais aussi de passer par le long apprentissage manuel du soufflage de verre.

Il est le premier artiste devenu artisan souffleur de verre. Cette position lui permet d’envisager cet art de manière inédite et de considérer « sa verrerie comme un art aussi libre que la peinture ou la sculpture ». Ce rapport intense et libre avec la matière en fusion le mène à inventer une nouvelle esthétique du verre épais, lourd et « charnu ». Ses objets semblent nous transmettre la fluidité de la « vie du verre chaud », de la dynamique du verre en fusion avec ses bulles de gaz ou ses poudres de couleurs prises entre des couches de verre transparent.

Il aborde aussi d’une manière originale la technique industrielle du verre gravé à l’acide en attaquant en profondeur le verre très épais. La manufacture des frères Daum, à Nancy, est la seule au monde à interpréter et à pratiquer cette nouvelle manière.  Son oeuvre influence plusieurs générations de souffleurs et de designers en France, en Europe et même aux Etats- Unis, citons par exemple Robert-Henry Schneider, André Thuret, Claude Monod, Alain et Marisa Begou et Michael Glancy,  Les frères Charles (1881-1953) et Ernest (1877-1937) Schneider, formés chez Daum, créent une des nouvelles manufactures du XXe siècle en région parisienne. Leurs couleurs vives et originales dont le fameux « orange tango » ainsi que de claires influences formelles vénitiennes, marquent leurs créations d’un sceau original.

La crise économique de 1929 a des répercutions très lourdes sur l’organisation et la diffusion des arts décoratifs précieux et les créateurs verriers sont particulièrement touchés.
Les années 1950 correspondent à une période de mutations difficiles pour les grandes verreries-cristalleries et aucune transmission des savoir-faire dans le milieu des verriers indépendants n’est mise en place.

André Thuret (1898-1965), ingénieur avant d’être créateur, est une des rares figures nouvelles du verre français à cette époque. Ses connaissances de chimiste l’amènent à créer des couleurs rares, pour des objets travaillés à chaud dans la lignée inaugurée par Marinot.
En Scandinavie et en Italie, on assiste à une période très riche de collaborations entre créateurs et manufactures, évoquées ici par le finlandais Tapio Wirkkala (1915-1985) et l’italien Fulvio Bianconi (1915-1996).

Tapio WIRKKALA  (1915-1985) - Finlande
Verrerie KARHULA-LITTALA  - Finlande
Cinq vases - créés et exécutés entre 1948 et 1954 -
Verre soufflé et gravé à la roue.
H. max 32 cm
Don Alexandra de Vazeilles, 2009.

Lino TAGLIAPIETRA , né en 1934 - Italie
Vase - 1993 -
Verre soufflé, modelé à chaud,
décor de filigranes mauves en relief.
H. 47 cm
Don de l’artiste, 1993.

Bertil VALLIEN , né en 1938 - Suède
Karolina, - 1996 / 1997 -
Verre moulé massif avec inclusion de verre émaillé.
H. 25 cm
Don Orrefors Kosta Boda, 2015.

Yoichi OHIRA , né en 1946 - Japon
vit et travaille à Venise de 1973 à 2009
Cristallo Sommerso Scolpito N°68 - 2009 -
Verre transparent dit « cristallo »,
soufflé et modelé à chaud ; taillé et poli, col gravé à la roue.
H. 28 cm
Achat grâce au mécénat de la fondation Pentagram
et de Ateliers d’Art de France.

Le verre fait son entrée dans des écoles d’art
Le couple d’artistes tchèques formé par Stanislas Libensky et Jaroslava Brychtova, qui vivent et travaillent ensemble depuis les années 1950, est remarquable à plusieurs titres. Dans cette terre de tradition verrière qu’est la Bohême, ils oeuvrent en fusionnant leurs talents et créent le corpus de sculptures en verre le plus marquant de la seconde moitié du XXe siècle. Leurs moulages de verre sont comme des filtres complexes jouant avec rigueur et sensibilité de la lumière colorée et de ses variations. Stanislas Libensky est aussi, au sein de l’école supérieure des arts décoratifs de Prague, un pédagogue exceptionnel formant plusieurs générations d’artistes qui donnent un nouvel âge d’or au verre tchécoslovaque et, par ailleurs, un ambassadeur de l’art de son pays, et ce avant même la chute du communisme en 1989. L’enseignement du verre dans des universités et des écoles d’art, initié en Tchécoslovaquie, est effectivement une des nouveautés du XXe siècle. Il a contribué à la féminisation importante du monde des verriers et il est à l’origine de nombreuses démarches actuelles.
Après la Tchécoslovaquie, une dynamique pionnière apparait aux Etats-Unis où depuis les années 1960 de nombreuses universités incluent des ateliers de verre. Une des figures majeures de ce mouvement, Dale Chihuly, est aussi à l’origine de l’Université d’été de Pilchuck, dans les forêts du Nord de la côte Ouest américaine. Ce campus verrier estival est devenu un des lieux d’échanges et de formation important depuis les années 1980. La présence régulière à Pilchuck d’un des plus grands « maestro » de Venise, Lino Tagliapietra, a permis par exemple à des étudiants du monde entier de s’approprier les techniques de cette tradition séculaire.

Stanislav LIBENSKY  (1921-2002),
Jaroslava BRYCHTOVA ,
née en 1924 - Tchécoslovaquie
Arcus II - 1991 -
Verre moulé, partiellement poli.
H. 79 cm
Don des artistes et de Clara Scremini, 1994.

Frantisek VIZNER  (1936-2011) - Tchécoslovaquie
Coupe - 1986 -
(forme déclinée en verre massif depuis 1971)
Bloc de verre opalescent taillé et poli.
H. 9 cm
Don les Amis des Arts décoratifs, 1992.

Dale CHIHULY , né en 1941 - Etats-Unis
Sea-form - 1983 -
Verre soufflé, décoré de filets et mis en forme à chaud.
H. 16 cm
Don de l’artiste, 1984.

Claude MORIN , né en 1932 - France
Groupe de sept bouteilles
Verre soufflé.
H. max 70 cm
Don de l’artiste 1986.

Mieke GROOT , née en 1949 - Pays-Bas
Sans titre - 2008 -
Verre soufflé et émaillé.
H. 21,5 cm
Don Alexandra de Vazeilles, 2010.

La Rietveld Academy à Amsterdam, où étudient puis enseignent Richard
Meitner et Mieke Groot, donne un autre exemple des bénéfices de l’intégration de la pratique verrière dans une école supérieure d’art et de design. La France ne suit pas cette voie d’un enseignement verrier dans des écoles d’art, et c’est d’abord grâce à l’énergie de personnalités autodidactes que le verre français s’inscrit de nouveau, depuis les années 1980, sur la scène internationale, soutenu aussi par l’arrivée de créateurs verriers formés en Tchécoslovaquie, en Pologne et en Roumanie. Notre territoire voit ensuite la création de lieux originaux. Le centre de recherche de Marseille (CIRVA) accueille en résidence des personnalités internationales du monde de l’art et du design. Le Centre verrier de Meisenthal (CIAV) redonne vie a un lieu de tradition autour de l’usine où travaillait Emile Gallé jusqu’en 1894.

Enfin, un centre de formation, technique mais ouvert à la création contemporaine, est créé à Vannes-le- Châtel (CERFAV) à côté d’un ancien site de production de la manufacture Daum. Y sont passés Xavier Le Normand, Pascale Riberolles et Anne-Lise Riond-Sibony, et y ont enseigné Lino Tagliapietra et Jeremy Maxwell Wintrebert.

Richard MEITNER , né en 1949 - Etats-Unis,
vit et travaille aux Pays-Bas
Sans titre - 1990 -
Verre soufflé, modelé à chaud, émaillé et doré.
H. 40 cm
Don de l’artiste, 1994.

Alain BEGOU , né en 1945 - France
Marisa BEGOU , née en 1948 - Italie
Vase [8.C.15] - 1998 -
Verre soufflé et modelé à chaud à décors intercalaires.
H. 42 cm
Achat grâce au mécénat de Michel et Hélène David-Weill

Didier TISSEYRE , né en 1958 - Sénégal,
vit et travaille en France
Linéa - 1999 -
Verre moulé à la cire perdue.
H. 47 cm
Don Edouard Poullain en souvenir de son père Yvon Poullain (1943-2011),
2016.

 
Bernard DEJONGHE , né en 1942 - France
Cercle de verre - 1994 -
Verre optique moulé.
H. 30 cm

Le verre fait son entrée dans des écoles d’art Stanislav LIBENSKY  (1921-2002), Jaroslava
Le verre, un matériau « nouveau » pour des sculpteurs sculpteur Henry Cros dans les années 1880 donnent naissance, tout au long du XXe siècle, à de nombreuses variations. Ces variations autour du moulage de poudres ou de blocs de verre fondus ou amalgamés dans des moules en plâtre, résistants à la chaleur et détruits après la cuisson, sont développés par d’autres sculpteurs, des céramistes, des verriers et des industriels. La « pâte de verre » et toutes ses variations permettent, entre autres, la réalisation de volumes en verre massif.
Les effets de légèreté et de fragilité, traditionnellement associés à la transparence du verre, sont alors souvent abandonnés au profit d’effets de blocs lumineux et de puissance minérale.
C’est dans cette optique que le sculpteur céramiste Bernard Dejonghe aborde le verre dans les années 1980. Ses formes simples parfois associées aux oeuvres ou aux outils de l’aube de l’humanité, sont réalisées, comme de nombreuses oeuvres actuelles, en transformant des verres de haute technologie optique fabriqués industriellement.

Ses sculptures jouent d’un contraste fort entre des masses si transparentes qu’elles semblent s’effacer comme un fluide, et une croûte fine et mate qui les contient. C’est avec le même type de blocs de verre optique fournis par l’industrie que se sont aussi construits, généralement à froid, par taille, sablage et collage, les oeuvres de Matei Negreanu et Ceslaw Zuber.

Les finitions parfaites du polissage optique, comme pour des lunettes ou des lentilles photographiques, sont caractéristiques des oeuvres de Yan Zoritchak, slovaque vivant en France depuis 1979. Ces finitions apparaissent aussi dans les œuvres récentes en pâte de verre d’Antoine Leperlier : céramique et verre y sont matériellement et symboliquement confrontés comme deux incarnations du temps, celui qui coule comme un fluide et celui qui se fige dans notre mémoire.
Cette veine moderne du verre puissant et minéral se retrouve aussi dans de nombreux objets déclinant les typologies traditionnelles du vase ou de la coupe, par exemple avec les pièces sculpturales du tchèque Frantisek Vizner ou les constructions autour d’un vase de l’américain Michael Glancy.

Laura de SANTILLANA , née en 1955 - Italie
Blue Ganesha
Verre soufflé et modelé à chaud, feuille d’argent intercalée,
surface meulée à la bande abrasive.
H. 32 cm
Achat grâce aux Amis des Arts décoratifs, 2004.

Damien FRANÇOIS , né en 1979 - France,
vit et travaille en Norvège
Répétition - Danemark 2011 -
Pâte de verre, poudre de verre colorée amalgamée sur support
métallique (épingles), installés sur un fond carton,
cadre en bois noirci.
H. 69 cm
Achat grâce au partenariat de Ateliers d’art de France, 2012.

Martin HLUBUCEK , né en 1974 - République tchèque
Lavabo - 2009 -
Verre moulé, taillé, poli et dépoli.
H. 12 cm
Achat grâce au mécénat de Moët Hennessy, 2014.

Des réseaux internationaux forts, féminisés et très mobiles
L’américaine Toots Zynsky, une des figures les plus internationales du verre actuel, a été formée à la Rhode Island School of Design, a participé aux débuts du projet de l’université d’été de Pilchuck (près de Seattle) avec Dale Chihuly, travaillé à New York, puis vécu à Amsterdam et Paris avant de revenir à Boston. Elle appartient à cette génération pour qui le monde du verre, autrefois très masculin, se féminise de façon spectaculaire. Au début des années 1980, alors qu’elle habite dans le
même bâtiment que Mieke Groot et Richard Meitner à Amsterdam, elle invente un principe technique comportant d’abord l’étirage en fils de verres de couleurs, la mise en place à froid de ces fils, puis leur fusion et au final la déformation à chaud (thermoformage) de ces disques en formes creuses. Elle décline depuis ce principe en des variations multiples dont elle n’a pas épuisé la richesse et les possibilités. Après des séries aux couleurs exubérantes, « Adempimento » appartient à un groupe évoluant vers un jeu polychrome assagi et vers des dimensions plus importantes où dominent la verticalité et un déploiement formel baroque aux plissés textiles.

Au-delà des voyages qu’ils effectuent pour leurs expositions internationales, d’autres exemples de la mobilité des verriers d’aujourd’hui nous sont donnés par des personnalités comme le japonais Yoichi Ohira, qui vient terminer ses études à Venise et y vit et travaille pendant plusieurs décennies. Philip Baldwin, américain, et Monica Guggisberg, suisse, se rencontrent en Suède, vivent et installent leur atelier en Suisse, puis à Paris et maintenant au Pays de Galles, sans parler de leurs allers-retours fréquents pour collaborer avec des ateliers vénitiens.

Enfin, la tradition verrière du travail en équipe a peut-être joué un rôle dans cette nouveauté que sont ces couples contemporains formant des duos de créateurs verriers, comme Libensky et Brychtova, Alain et Marisa Bégou, Martine et Jacki Perrin., Anne-Lise Riond-Sibony, découvre le verre à New-York, continue sa formation à Vannes-le-Châtel avant de s’installer à Paris, alors que le jeune français Damien François se forme au Danemark, et vit en Norvège avant de revenir en France. La tradition ancienne des voyages de verriers semble avoir trouvé une nouvelle incarnation dans la vie de ces verriers d’un monde globalisé.

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Venue:
CHÂTEAU DE SÉDIÈRES
Sedières, 19320 Clergoux, France
+33 (0)5-55 27 76 40
sedieres.fr

Philip BALDWIN , né en 1947 - Etats-Unis
Monica GUGGISBERG , né en 1955 - Suisse
Vase Bound in green - 2010 -
Verre soufflé, multicouche, taillé.
H. 44 cm
Achat grâce au partenariat de Ateliers d’art de France, 2012.

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